“Je suis parti comme un voleur. Voleur d’émotions, et cette escampette m’a permis de garder égoïstement cet instant magique…Allégories de la méditation, tourmentes enflammées; la poésie s’invite et la vitalité des interprétations de Lise Baudouin, pianiste et compositrice, écarquille les sens.”

Michel MazelinSpectateur

“Magique ! Magnifique , envoûtant ! j’ai craqué ce soir à La Brunerie de Flavigny !”

Eliane DebardSpectatrice

“Belle rencontre et un jeu de main à découvrir absolument.”

Sylvie ChallalSpectatrice

“C’est très beau, très inventif et plein de poésie !”

Eric TanguySpectateur

Les artistes ont cette capacité fascinante, et même ce pouvoir,  de créer des mondes, d’installer des univers qui déboulent sans crier gare dans une soirée de fin de semaine. On s’y rend et l’on se rend, rangés dans le rang, assis devant et elle derrière, piano roi, pianiste reine.

Les artistes ont cette incroyable ressource : nous embarquer avec eux dans un monde qui est finalement plus que le leur et qui nous est donné en partage, une gourmandise, qui, avec Lise Baudouin, pianiste et compositrice, prend à peu près tout ce qu’on a de corps, de la tête au pied, des yeux à l’estomac. En passant par le cœur.

La jeune femme, premier prix du conservatoire de Paris, a osé quitter les partitions des autres et s’est lancée en ce vendredi soir de la fin d’août 2018 pour exprimer pour la première fois en public ses créations. Un étonnant voyage. Un brûlot qui tourbillonne. Des cascades et des ruisseaux, des fleuves impétueux, des vagues qui ondulent, crachant leur brume, se fracassant sur les rochers, ou apaisées, venant doucement clapoter sur le sable.

Au silence quasi religieux de l’écoute, des yeux se sont fermés pour entendre la déferlante de notes, par-delà les salves d’applaudissements qui ponctuent les pièces jouées par la pianiste, puis qui en redemandent au moment de la fin, on est passé par bien des états, par beaucoup d’admiration aussi, car l’on comprend vite que ce concert-là n’a rien de banal.

De blanc et de bleue vêtue, l’artiste arrive presque sur la pointe des yeux, plante fragile, et pas un instant on n’a idée de ce qui va nous tomber dessus. De la Breizh en foudre. Avec elle, piano s’écrit pianeau. L’accord est intense avec les feux intérieurs.

Au départ, le piano ressemble encore à un animal impassible qu’il va s’agir de dompter, se dit-on, mais dès les premières notes, on sait, on sent plutôt, la complicité qui lie ces deux-là. De fait. Voilà que les doigts semblent se multiplier par cent, ils galopent agiles sur les touches, et parfois s’immiscent dans le ventre même de la bête, plus docile que jamais, pinçant les cordes, faisant percussion du bois. Le corps se cambre et se courbe jusqu’à parfois s’allonger, répond à la présence massive et horizontale du piano à queue. On perçoit ce que l’artiste cache derrière le talent. Les heures et les heures de travail.

La femme et le piano ne faisant qu’un, ils s’oublient alors l’un et l’autre à moins qu’ils ne partent ailleurs, et nous laissent gambader dans SA musique, presque s’effaçant pour laisser les doigts virevolter à des vitesses parfois hallucinantes.

Neuf pièces montées sont proposées. Leur intensité nous happe.

Lise Baudouin, pianiste et compositrice, a osé la mise à nue qui vous fait passer d’interprète à créateur, de serviteur à chef d’orchestre. On la suit, tête baissée, dans un océan de tranches de vies qui s’inspirent du quotidien, de rencontres, de tourments, de combats, d’euphories, avec ce grain de sable permanent qui flirte avec les torrents. Le solide et le liquide s’entendent comme larrons en foire.

L’artiste a bien fait. La mue est réussie.

En livrant pour la première fois ses inspirations travaillées jusqu’à l’os et peaufinées de partout, Lise Baudouin nous confronte à nos quêtes indicibles. En creux s’esquissent les bosses escamotées et se dessine un portrait de l’artiste, miroir de nos escapades intimes. Beauté pour tous.

L’amour qui tangue, qui tord les boyaux, qui irradie le corps ; la dignité d’une femme âgée, grande et belle dame dont on devine la blessure qui l’emportera ; la terrible chute d’un animal et le passage si redouté par la case coma dont il ressortira happé par la vie ; la Bretagne, terre d’asile, d’exil et son île bienfaisante, la bien nommée Enez Groe ; la solitude, le repos ; l’apaisement, aussi : à certains moments, instants solaires, nous sommes conviés à poser nos fesses sur un rocher pour interroger l’horizon ou s’y reposer. Un feu de Breizh que nous buvons à pleines dents en ce vendredi, dans une vieille ferme magistralement rénovée de Lorraine, à quelques encablures de Nancy.

Le monde est si vaste. Le monde est tout petit.

Les intermèdes nous ramènent à notre humaine condition. L’artiste explique comment est née l’inspiration. Pendant une heure, hors du temps, on ne voit pas le temps passer.

De si belles errances.

Didier JacquotJournaliste